Croire, oui bien volontiers, mais croire en quoi ?
Alors voilà, nous sommes à Pâques, le point central de la foi en Jésus. La crucifixion a bien eu lieu, elle est citée dans un certain nombre de documents laïcs de l’époque elle est quasiment indiscutable. Ce n’est malheureusement pas le cas de la résurrection : à nous d’y croire, ou pas.
Jésus s’est montré aux disciples. Certains critiquent déjà : oui mais pourquoi les disciples seulement ? À ceux-là je réponds : comment quelqu’un pourrait reconnaître une personne sans jamais l’avoir rencontrée avant ? Ni photo, ni vidéo à l’époque, et quand bien-même aujourd’hui, il y aurait des gens pour démontrer que l’image est retouchée. Mais on comprend à lire dans le détail que les évangélistes eux-mêmes sont un peu sur leurs gardes : les disciples ont du mal à reconnaître Jésus, il n’a pas tout-à-fait le même aspect, même Marie Magdeleine va le prendre pour le jardinier. On le reconnaît à ses gestes surtout, ou à son vocabulaire. Se pose la question : est-on certain que les disciples l’ont effectivement vu, de leurs yeux vu ? Ne serait-ce pas plutôt une rencontre spirituelle, une hallucination collective…
Vous ne trouverez pas la réponse dans jesusfacile. Ces questions ont justifié 2.000 de travail des meilleurs exégètes du monde, des plus brillants philosophes et plus récemment, des meilleurs historiens et des plus grands archéologues. Ces questions, le monde entier se les sont posées. Et je n’ai pas entendu dire que le monde avait la réponse !
Les dubitatifs n’ont pas manqués : certains on dit que l’histoire de Jésus était complètement inventée, d’autres ont cru savoir que les chrétiens avaient volé le corps de Jésus dans sa tombe : face à l’échec de sa prédication, il fallait qu’ils trouvent quelque chose d’exceptionnel pour justifier le schisme d’avec les synagogues. D’autres ont parlé de disciples alcoolisés, tout a été envisagé, tout.
L’église a tout fait pour s’accrocher : elle a fait de la passion et de la résurrection le pilier central du culte. De la même façon qu’elle a mis une folle énergie à prouver que Jésus était bien le fils de Dieu (cette incarnation comme on dit qui a donné lieu à tant de controverses et à la création de tant de dogmes comme la trinité, la virginité de Marie, le salut, etc., etc…), elle a aussi développé des trésors d’imagination pour trouver des solutions modernes pour comprendre et croire en la résurrection. Elle n’a pu trouver aucune preuve formelle, bien-entendu. Elle-même a eu ses doutes : elle n’a commencé à proclamer la résurrection qu’à partir des années 35/40, elle est passée du message triomphaliste de Paul à des messages plus spirituels et plus ecclésiaux avec les évangélistes. À chaque nouvelle traduction, le sens était un peu modifié ; à chaque rédaction, les textes étaient un peu adaptés en fonction des besoins du moment. On a commencé à dire que Jésus avait annoncé plusieurs fois sa passion et sa résurrection : mais si c’est le cas, pourquoi les disciples ont-ils été surpris ? On a commencé à dire que Jésus était mort pour nous sauver, pour nous libérer du péché. Mais alors à quoi bon tout la théologie de la repentance et de la pénitence ? Depuis toujours, chaque idée nouvelle a été à l’origine de disputes internes, de schismes et de séparations. Mais l’Église elle-même est en recherche permanente, et de nombreux ouvrages récents font part de l’esprit de la résurrection, de l’importance de la croix dans le salut du monde…
Si on regarde ce qu’on sait qu’il s’est passé, il est certain que les apôtres ont eu le choc de leur vie. Comment expliquer sinon qu’ils se soient mis du jour au lendemain à ne parler que de résurrection, que les communautés aient radicalement changé de vie, comment expliquer qu’ils se soient tous mis en route, certains allant très loin et dans des pays paiens, pour conter cette résurrection et porter un message universel, et comment expliquer enfin qu’autant de disciples aient préféré être torturés et assassinés pour avoir insisté sur la réalité de la résurrection ? Il a du se passer quelque chose, mais quoi ?
Et si on ne croit pas dans cette résurrection, que nous reste-t ’il de Jésus ? Un prophète brillant certes, mais quelque peu prétentieux ? Sans la résurrection, les chrétiens auraient-ils été effectivement chassés des synagogues ? Sans le résurrection, serions-nous en train de parler de Jésus ? Quel formidable message d’espoir que la résurrection ! Si Dieu a pu ressusciter Jésus, pourquoi ne le ferait-il pas pour nous ? Et si dans le cas de Jésus, il fallait bien que Jésus redevienne « visible » dans le monde des hommes, n’est-ce pas là une invitation à croire en une vie future autre part, dans un autre monde, auprès de l’âme de nos chers défunts ?
Mon idée est que lorsqu’on lit des textes qui ont 2.000 ans, il faut montrer un peu d’humilité, ne pas tout prendre pour parole d’évangile (haha !) et accepter qu’on ne puisse pas tout comprendre, ni même tout apprendre. Il nous faut montrer de la prudence concernant la réalité historique des détails, mais il ne faudrait pas tout rejeter pour autant sous prétexte de certaines invraisemblances. Ceux qui ont écrit ces évangiles voulaient faire passer un message, ils voulaient dire quelque chose à leur communauté. Encore aujourd’hui, un écrivain n’écrit-il que pour ses lecteurs d’un jour ? Surtout dans ces matières un peu sérieuses que sont la théologie, la philosophie, l’histoire, la politique, les auteurs ne cherchent-ils pas à donner à leur contribution une audience un peu plus large, ne travaillent-ils pas pour une certaine postérité ? Il y a donc fort à parier que nous puissions puiser dans leurs textes un certain nombre de choses utiles pour nous, qui aient du sens comme on dit de nos jours.
Il convient de replacer notre recherche sur Jésus au milieu de la quête permanente que font les hommes de Dieu. Si aucun fait tangible permet de prouver la résurrection, de même, rien ne permet de dire que cela ne s’est pas passé. Si ce n’est un orgueil démesuré peut-être, qui nous ferait penser que seule notre raison est capable de nous faire progresser. Or cette résurrection, plausible ou non, est une pierre incontournable de la chrétienté, de ce qui a motivé l’énergie et la vie ou la mort de nombreux croyants qui nous ont précédé. Si je suis personnellement assez critique de l’Eglise, il me faut bien reconnaître que la foi chrétienne est à ce jour la réponse la plus affinée et la plus documentée quant à la recherche de Dieu, qu’il convient donc de l’étudier.
Il nous faut donc continuer à lire, à travailler, à réfléchir, à échanger, pour arriver à une meilleure connaissance, si ce n’est de Dieu, en tout cas de ce que des milliers de chercheurs avant nous ont pu trouver de mieux et de plus acceptable comme image de Dieu. Ecouter ce que tous ces gens-là ont à nous dire. Cheminer…il est fort probable qu’on puisse rencontrer Dieu en chemin.