Le dimanche des Rameaux, nous sommes supposés lire la passion, ce que je ne ferai pas. Nous en resterons à cette entrée triomphale dans Jérusalem, dont il n’y a pas forcément grand-chose à dire. Elle est bien entendu basée sur un verset du livre de Zacharie : Za 9,9 « Tressaille d'allégresse, fille de Sion ! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi s'avance vers toi ; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne — sur un ânon tout jeune ». Matthieu reprendra le même verset un peu différemment : « Mt 21,5 Dites à la fille de Sion : Voici que ton roi vient à toi, humble et monté sur une ânesse et sur un ânon, le petit d'une bête de somme ».
Comme nous le rappelle Jean, tous ces détails deviennent limpides après la résurrection. L’important aujourd’hui est de nous présenter Jésus accueilli comme un roi à Jérusalem (c’est le sens des palmes agitées sur le passage). A voir…
Juste quelques mots à propos de la passion selon St. Jean, qui est assez différente des autres évangiles même si elle s’en est certainement inspiré ; on peut constater que le rédacteur de l’évangile de Jean a complètement restructuré le récit qui devient assez différent. Je voudrais juste souligner quelques points pour qu’à l’écoute de cette passion vous ne soyez pas surpris :
- La passion de Jésus se trouve dans le deuxième livre de l’évangile de Jean, celui que l’on appelle de l’heure ou de la gloire. Après nous avoir souvent dit que son heure n’était pas encore arrivé, voilà que maintenant c’est l’heure, et ion comprend bien que Jésus est soucieux de ne pas louper le coche. Le Jésus de Jean est volontaire pour la passion ; si on se souvient de ce verset 18,4, dans le jardin alors que viennent les soldats : « Jésus, sachant ce qui allait lui arriver, s’avança ». On pourra vérifier que dans toutes les actions de la passion qui nous seront contées, c’est toujours Jésus qui est à l’initiative, c’est lui qui crée l’action, qui la favorise : il est le maître du temps.
- Jean est le seul à conter la scène du lavement des pieds ; elle est un symbole de la figure du Serviteur souffrant d’Esaïe : 53.7 Brutalisé, il s'humilie ; il n'ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à l'abattoir, comme une brebis devant ceux qui la tondent : elle est muette ; lui n'ouvre pas la bouche. Jean a développé le parallèle entre ce texte et la passion du Christ, son humiliation devant le mener à la gloire.
- Jean est le seul aussi à développer la réflexion sur le départ vers le Père : si Jésus s’en va, qu’allons-nous faire ? C’est là que Jean va trouver l’idée de l’envoi du fameux Paraclet, l’Esprit-Saint qui pourra se substituer à Jésus pour guider ses disciples
- La construction littéraire de la passion selon St. Jean est très sophistiquée, mais il faudrait plus de temps pour en faire le tour. Vous retrouverez un clin d’œil à Isaac (lui aussi ligoté et fixé au bois du bucher), un malentendu sur le royaume politique et le roi eschatologique, un parallèle avec l’agneau pascal immolé pour le bien du peuple entier, …
- L’épisode avec Pilate est absolument merveilleux : vous constaterez un aller-retour permanent entre l’intérieur du palais, où Pilate se trouve face à Jésus, seul à seul, et l’esplanade où Pilate se retrouve face aux juifs. Les dialogues pourraient avoir reçu un oscar : quand Pilate, qui est juge je vous le rappelle, demande à Jésus « qu’est-ce que la vérité ? », c’est assez savoureux. Quant à l’Ecce homo. Il est resté célèbre.
- Les derniers mots de Jésus sont également très subtiles : on considère que le fait qu’il confie sa mère au disciple bien-aimé est le signe de la fondation de l’Eglise, avec une nouvelle famille. Le « j’ai soif » est l’expression de son entière liberté de boire la coupe ; le « tout est achevé » est l’expression de la fin de la mission que lui avait donné son père.
- Le coup de lance sera un autre symbole lié à Zacharie 12.
N’oublions pas que la passion et la croix sont le point central de l’évangile de Jean, la croix n’étant pas considérée comme instrument de torture mais comme outil de glorification.